Agrobusiness : pour des initiatives durables

L’agrobusiness en zone subsaharienne est confronté à des défis gigantesque qui en appellent à de véritables initiatives durables.

Avec 1,2 milliards d’individus en 2017, la population africaines devrait doubler d’ici 2050 pour atteindre 2,5 milliards d’êtres humains selon l’Institut français d’études démographiques (INED). Une croissance démographique impressionnante qui met le continent face à des défis importants en matière alimentaire et agricole. C’est pourquoi « Nourrir l’Afrique » est l’une des 5 « High Fives » de la Banque africaine de développement (BAD), ce qui se traduit à la fois par des investissements en matières technologiques, environnementales et financières.

Car c’est bien pour répondre à cette triple problématique que l’agriculture africaine, qui devrait peser pour 1000 milliards de dollars d’ici 2030, doit pouvoir se structurer. Il s’agirait donc, pour accompagner les grands défis contemporains, de développer de nouveaux business modèles, à la fois solidaires et durables. C’est ce que défend Jean-François DANIEL, fondateur du programme REVERDIR, lauréat 2018 des Trophées « Let’s Go France », la plateforme de PwC qui a pour objectif de valoriser les dynamiques économiques innovantes, sociétales et solidaires.

« REVERDIR ? C’est d’abord un programme environnemental qui cherche à accélérer les adaptations en matières agricoles face aux changements climatiques. Pour cela, nous développons des innovations de rupture, avec par exemple notre hydro-rétenteur intégralement bio-sourcé. Pourquoi soutenir de telles innovations ? Parce qu’il s’agit aujourd’hui de développer de nouveaux business modèles durables et qui doivent impérativement prendre en compte les enjeux contemporains. Plus spécifiquement, ces nouveaux modèles doivent intégrer à leur production des problématiques transverses : la volatilité des prix, l’accès à l’eau, la désertification, les inondations… »

Jean-François DANIEL, Président et Fondateur REVERDIR

Des défis multiples à relever

Fluctuations des marchés, spéculation sur les prix, catastrophes naturelles, augmentation des exploitations des terres arables … Les difficultés à résoudre font appel à des réponses structurelles qui passent de prime abord par des outils de financements. En effet, pour soutenir une croissance durable, l’Afrique nécessiterait 10 milliards de dollars annuels selon la Société financière internationale (SFI).

Ainsi, dès 2003, les dirigeants africains ont signé le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA), en s’engageant à investir un minimum de 10% de leur budget dans l’agriculture et à augmenter la production annuelle agricole de 6%. Toutefois, ces engagements peinent à se concrétiser, et en 2011, seuls 8 des 54 pays avaient atteint leurs objectifs. Plus récemment, le Burkina Faso accueillait en 2018 un atelier régional, sur la question du financement de l’agriculture, durant lequel l’objectif des 10% semblait toujours peu accessible, du moins pour l’Afrique de l’Ouest.

« Les défis sont nombreux, mais trois d’entre eux me semblent des urgences à financer. Tout d’abord, lutter contre les changements climatiques avec par exemple la problématique de raréfaction des ressources en eau. Deuxièmement, promouvoir de nouvelles techniques et technologies auprès des agriculteurs, qui, bien, souvent, conservent des modes de production inefficaces, voire dangereux pour les terres, tels que le labour qui détruit les sols au lieu de les protéger. Enfin, développer les outils qui pourront mieux structurer le marché des ventes, en le rendant plus transparent et plus solidaire, afin de protéger les petits exploitants. »

Jean-François DANIEL, Président et Fondateur REVERDIR

Des financements innovants

Pour permettre la transition vers ces nouveaux modèles, et en l’absence de mobilisation budgétaire suffisante d’un point de vue national, les acteurs institutionnels se tournent donc vers de nouvelles initiatives plurielles et panafricaines. Avec notamment, l’initiative triple A, lancée en amont de la COP22 organisée au Maroc en 2016, et qui a pour objectif la réduction de la vulnérabilité de l’agriculture africaine aux changements climatiques. Actuellement, l’initiative est soutenue par 33 pays africains, par l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Et si l’initiative triple A reste une première mondiale, elle séduit plus pour son approche macroéconomique et politique que pour ses effets opérationnels encore en développement.

« Il existe de nombreuses initiatives en matière de financement. C’est par exemple le cas des fonds verts, des fonds carbones et bien sûr, pour l’Afrique, de l’initiative AAA… Tous ces dispositifs manquent cependant encore d’efficacité. Notamment car les budgets ne sont pas toujours correctement adressés vers des questions opérationnelles. Lors de la dernière conférence Fintech, nous abordions encore ce sujet : faire en sorte que le financement bénéficie directement à des exploitants identifiés et sur le terrain. Par exemple, chez REVERDIR, nous avons opté pour un double financement : à la fois solidaire grâce à notre communauté d’utilisateurs, mais aussi participatif grâce à des entreprises du CAC 40 dont les investissements sont directement fléchés vers des acteurs opérationnels. »

Jean-François DANIEL, Président et Fondateur REVERDIR

Accompagner durablement les petits exploitants

Les initiatives dîtes durables sont aussi celles qui permettent à chaque petit exploitant agricole de soutenir sa propre activité. Avec 65% de la population active africaine qui travaille dans l’agriculture, le secteur reste globalement le premier fournisseur d’emplois et contribue à 15% du PIB de la région subsaharienne selon la FAO - ce qui le rend donc essentiel dans des économies encore trop peu diversifiées.

Ainsi, pour favoriser et soutenir la création d’entreprises agricoles, la Banque africaine de développement (BAD), qui mène le projet « Nourrir l’Afrique », est à l’initiative du concept « Agripreneur à zéro franc ». A travers ce programme de formation, les jeunes qui se lancent dans l’entrepreneuriat agricole bénéficient d’un soutien technique et d’un suivi pour augmenter les chances de réussite de leur investissement. De même, la CCNUCC, qui milite pour le développement d’une agriculture responsable et durable, recommande de renforcer le transfert de technologie, la coopération Sud-Sud, et la prise de décision politique à l’échelle des Etats. Mais quels que soient les initiateurs de programmes, les priorités finales restent les mêmes : améliorer la nutrition de la population tout en augmentant la disponibilité des matières premières à un prix abordable.

« Une agriculture innovante ne peut se faire sans de nouveaux modes de financements. Par exemple, REVERDIR est un programme social et solidaire, en cela que nous essayons de rendre les produits accessibles à des agriculteurs qui n’en n’avaient pas les moyens. C’est particulièrement vrai en Afrique subsaharienne où les entrepreneurs sont victimes à la fois des changements climatiques et de la spéculation sur la matière première. C’est pourquoi, nous fédérons aujourd’hui 100 millions de personnes dans 46 pays d’Afrique et qui préfinancent de façon solidaire le programme. Et sur 570 millions d’agriculteurs dans le monde, 60 millions sont à mêmes de contribuer durablement à nos innovations et nombre d’entre eux nous soutiennent. »

Jean-François DANIEL, Président et Fondateur REVERDIR

Des initiatives 4.0

Sur le modèle de l’industrie 4.0, pour qui le digital représente une 4ème révolution industrielle, les professionnels de l’agrobusiness parlent aujourd’hui d’agriculture 4.0. Et cette révolution n’est ni cosmétique, ni sémantique. Avec un nombre d’utilisateurs de smartphones qui devrait atteindre 634 millions de personnes en 2025, les systèmes de stockage de données mobiles trouvent des applications concrètes en matières agricoles. Et ce tant sur le plan technique, écologique que financier.

C’est par exemple le cas de la technologie américaine SunCulture, initialement lancée au Kenya, et qui propose un système d’irrigation goutte-à-goutte innovant et connecté à une pompe électrique solaire. Ce système permet non seulement d’augmenter le rendement des producteurs mais aussi de réduire le coût de l’énergie, en utilisant le renouvelable au lieu du diesel. Autre exemple au Botswana et en Afrique du Sud, où un système de GPS aide les petits et les grands exploitants à gérer leur bétails en localisant avec précision chaque animal grâce à une puce électronique. Toujours pour les éleveurs, l’Organisation des Nations Unies a créé une application mobile qui rappelle aux professionnels les calendriers de vaccinations de leurs animaux ainsi que les futurs soins vétérinaires prévus. Enfin, pour accompagner les petits exploitants dans la négociation des prix et supprimer des intermédiaires autrefois omniprésents, la solution Tradenet, rebaptisée E-soko, est une véritable Marketplace. Certains exploitants confient avoir multiplié leurs marges par 10 en 10 ans, grâce à une meilleure intégration de leur exploitation à une chaîne de production globale, et ce dans un marché encore trop peu réglementé.

« L’un des points forts de l’Afrique subsaharienne est assurément l’essor du mobile et de ses applications. On remarque que les services numériques, tels que Tradenet, sont bien accueillis par les professionnels et répondent à de vraies problématiques. Le risque est cependant de croire que ces innovations peuvent se substituer à un réel engagement des puissances publiques. L’agriculture devant garantir l’autonomie et la sécurité alimentaire, il faut absolument que les nouvelles technologies soient accompagnées de réformes institutionnelles et qui réglementent le marché. Pourquoi ? Car le grand danger des plateformes numériques est de favoriser à termes la spéculation, grâce à la collecte de données et à la rapidité des échanges afférents; et cette nouvelle spéculation serait un frein terrible pour le développement du secteur. »

Jean-François DANIEL, Président et Fondateur REVERDIR

Fédérer tous les acteurs : publics et privés

Au-delà des financements, des infrastructures et des technologies, la question du foncier reste aussi primordiale. C’est pourquoi la Banque mondiale appelle les Etats à assurer « une distribution juste et équitable des terrains afin de permettre aux agriculteurs de développer leur exploitation et aux femmes d’accéder de manière égalitaire à la propriété. » Mais dans un contexte où les investissements manquent et où les terres fertiles sont parfois peu exploitées, voire même abandonnées, certains Etats africains choisissent de louer ou vendre des superficies conséquentes aux Etats du Golfe, de l’Inde, de la Chine ou encore de la Corée du Sud. Ce qui paradoxalement pourrait continuer d’alimenter des logiques spéculatives quand toutes les instances internationales plaident pour des initiatives solidaires.

Ainsi, pour s’assurer que ces investissements soient « gagnants-gagnants », plusieurs études recommandent aux Etats de négocier ces contrats de manière transparente et en imposant des conditions favorisant la création d’emplois au sein des communautés locales. Selon, l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), il est tout aussi nécessaire que les gouvernements africains imposent des conditions fermes pour la protection de l’environnement que de mettre en place la législation adéquate en matière de droit foncier.

Mais plus encore, comme le rappelle Jean-François DANIEL, Président et Fondateur REVERDIR, l’urgence n’est plus à la seule sensibilisation des pouvoirs publics, mais aussi à l’engagement concret des acteurs privés. Au premier rang desquels, les professionnels de l’agrobusiness, dont la part d’investissement semblent encore bien en deçà des défis à relever pour une agriculture enfin durable.

« Les géants de l’agroalimentaire ont aussi leur rôle à jouer. En moyenne, on estime à seulement 2% de leur budget leur part de financement à l’agriculture et à l’innovation. Alors que les business modèles sont en pleine mutation, seuls les acteurs qui auront vraiment développé une politique d’innovation auront encore un avenir d’ici quelques années. Malheureusement, trop peu semblent déjà sensibles à ces questions, alors que l’ONU, elle-même, rappelait déjà cette fin d’année que les changements climatiques nécessitent dès à présent près de 5000 milliards annuels d’investissements. Un chiffre qui ne pourra s’atteindre sans l’implication des grandes PME et multinationales, et ce quelle que soit l’industrie concernée. »

Jean-François DANIEL, Président et Fondateur REVERDIR

Chiffres et références

LetsGoFrance et REVERDIR

Lancée en 2016 par PwC France et Afrique francophone, la plateforme LetsGoFrance vise à valoriser les acteurs économiques engagés sur des questions innovantes, sociétales et solidaires - en France et à l’international. Outre le soutien à l’innovation grâce à la création de ses trophées annuels, dont le programme REVERDIR a été le lauréat 2018, LetsGoFrance fonde aussi son approche sur trois piliers :

  • donner la parole aux réussites des acteurs de l’économie française pour miser sur toutes les forces vives du pays et leur offrir le cadre propice à leur développement,
  • valoriser les nouveaux modèles, les nouveaux usages, les innovations et continuer à faire des grands enjeux, tels que le numérique ou le changement climatique, des opportunités de développement et de croissance,
  • partager les expériences qui aident à construire un environnement de confiance et à sécuriser l’information pour rassurer, donner envie d’investir et d’entreprendre.

La plateforme LetsGoFrance est à découvrir sur son blog https://letsgofrance.fr/ et sur l’ensemble des réseaux sociaux.

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Georges-Louis Levard

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Associé, PwC Afrique Francophone

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